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Béatrice St-Cyr-Leroux

À la recherche du vedettariat perdu


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C’est dans un seul et même plan-séquence qu’Alejandro González Iñárritu plonge le spectateur dans une haletante frénésie où Riggan Thomson (Michael Keaton), autrefois connu pour avoir incarné au grand écran un illustre super-héros ailé (Birdman), tente de briller à nouveau en réalisant une pièce de théâtre à Broadway.


Afin de satisfaire ses besoins insatiables de célébrité, Riggan adapte au théâtre la nouvelle Parlez-moi d’amour (What We Talk About When We Talk About Love) de Raymond Carver, entouré d’une équipe d’acteurs plus désaxés les uns que les autres.


La distribution choisie par Iñárritu pour personnifier ces comédiens est étourdissante. Créant une fine mise en abîme, Michael Keaton était tout désigné pour jouer le rôle de l’ex-super-héros, étant lui-même l’ex-Batman de Tim Burton en 1989. Cette attention rajoute à l’œuvre d’Iñárritu un double sens satirique dans lequel l’imaginaire danse une valse torride avec le réel. À ce propos, maintes sont les fois où le réalisateur transpose les déceptions de Riggan au travers d’hallucinations dans lesquelles il possède des facultés extraordinaires. Ces pouvoirs sont non sans rappeler ceux de Birdman (télékinésie, lévitation). Ses élucubrations vont jusqu’à faire résonner la voix de ténor du super-héros dans la tête de Riggan, lui rappelant avec dégoût sa médiocrité et sa piètre existence humaine dénuée de sens.


Mike Shiner, interprété par Edward Norton, est l’acteur prodige, égocentrique et intraitable qui inspire la rage et la jalousie chez Riggan en raison de la justesse de sa prestation qui éclipse complètement la sienne. Cette colère pousse Riggan à poser certains actes qui le rendent de plus en plus ridicule et accentuent l’effet pathos du personnage.


Alors que Riggan se démène pour charmer son public afin de se sortir de son marasme, sa fille Sam (Emma Stone), fraîchement sortie d’une cure de désintoxication et visiblement désillusionnée, lui crache avec mépris que sa popularité tant convoitée est éphémère, vaine et superfétatoire à l’ère des réseaux sociaux.


Au travers du personnage de Sam, Birdman semble vouloir rappeler avec dérision que la culture du divertissement ne vaut rien dans un monde où l’instantané est roi et où la notoriété passe aux oubliettes à la vitesse d’un clic.


Dans cette comédie critique, le spectateur est confronté à un « je-m’en-foutisme délicieux » de plusieurs standards cinématographiques. La bande sonore se résume presque essentiellement au tambourinage effréné d’un musicien sur une batterie (que l’on voit parfois apparaître sans raison apparente dans certaines scènes) matraquant la cadence au gré de l’intensité de la situation. Cette curiosité donne naissance à une cacophonie et une angoisse qui reflètent avec dynamisme l’état d’esprit de Riggan. Il suffit d’entendre le rythme s’emballer pour comprendre que le personnage principal est en proie à un irrépressible affolement.


Birdman est sans aucun doute un tour de force pour Iñárritu qui laisse le spectateur la tête emplie de questionnements sur la futilité d’une quête malsaine pour la gloire et la conflictualité entre aspirations et réalité.


Note: 4/5


Birdman (ou la surprenante vertu de l’ignorance) (VF de Birdman or (The Unexpected Virtue of Ignorance) ). Écrit par Alejandro González Iñárritu et Nicolás Giacobone. Un film de Alejandro González Iñárritu. Avec Michael Keaton, Zak Galifianakis, Emma Stone, Edward Norton. 1h59, Fox Searchlight Pictures.


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