Entre romance et science-fiction, Vous n’êtes pas seuls s’apprivoise lentement, mais sûrement. Les coréalisateurs Marie-Hélène Viens et Philippe Lupien présentent leur premier long-métrage qui nous transporte directement sur leur planète. L’œuvre intimiste, de passage au Festival du Nouveau Cinéma de Montréal, ouvre la porte à plus d’audace sur la scène cinématographique québécoise.
Mention photo: Maison 4:3 / La Boîte à Fanny
Léo (Pier-Luc Funk), un livreur de pizza solitaire considéré suffisamment isolé pour « disparaître », est pris pour cible par un chauffeur de taxi « extra-terrestre » prénommé John (François Papineau), dont la mission est d’envoyer des offrandes humaines à une force inconnue. Malheureusement pour le visiteur sous l’insigne « Taxi millions », le jeune livreur dans sa mire croise également le chemin de Rita (Marianne Fortier) une nouvelle flamme. Celle qu’il rencontre grâce à sa mère (Sandrine Brisson), change l’issue de son sort.
Le soleil de lève pour Léo
Bien que prévisible, le scénario puise sa force de sa trame narrative la plus profonde. Le public a droit à des échanges authentiques entre Léo et Rita qui se livrent une guerre de regards. Les plus critiques des comédies romantiques kitsch rougiront et échapperont des rires nerveux tant la tension est prenante et crédible entre les talentueux interprètes bien connus du public. Leur complicité n’est pas sans rappeler le couple formé par Rita Lafontaine et d’Yvon Deschamps dans le film Le soleil se lève en retard (1975) qui a d’ailleurs, en partie inspiré le film. Pier-Luc Funk a souligné, en entrevue au Devoir, n’avoir jamais interprété un personnage avec une sensibilité lui ressemblant autant. Se considérant assez timide socialement, c’est dans sa propre peau qu’il a dû se glisser pour donner la réplique à sa partenaire de jeu.
Il est possible de relever une analogie illustrée par le personnage de John, le traqueur d’âmes esseulées, qui semble personnifier le blocage émotionnel de Léo causé par ses expériences sentimentales passées, un obstacle à ses relations. Le livreur est une planète isolée, vouée à disparaître dans le vide astral, mais il retombe les deux pieds sur terre avec Rita. Le chauffeur de taxi venu d’ailleurs n’a pas de contrôle sur Léo comme avec ses autres victimes alors il se lance dans une opération de charme qui témoigne de son incompréhension de l’humanité. Ceci semble illustrer la manière dont les démons du passé nous poursuivent constamment s’ils ne sont pas affrontés.
L’influence de la patience
Le film est volontairement criblé de longueurs et de silences qui peuvent être confrontant pour les moins aguerris. Le public assiste à de nombreux malaises entre les personnages qui cherchent constamment un sujet de discussion. On saisit mieux cette « incommunicabilité » à laquelle les Viens-Lupien affirment s’être déjà livrés au début de leur relation, eux qui communiquent difficilement leurs émotions. Les phénomènes extraterrestres donnent lieu à de longs plans fixes puis d’interminables cillements qui imposent un rythme comme le faisait Poltergeist (1982) ou 2001, l’Odyssée de l’espace (1968). Finalement, ces éléments contribuent tout de même à respecter les codes de la science-fiction, en incorporant l’esthétique et l’ambiance du genre.
Marie-Hélène Viens et Philippe Lupien ont laissé leur empreinte à travers les situations loufoques que subissent les personnages. Leurs trois derniers courts-métrages avaient justement été récompensés pour leur touche d’humour noir qui masque les aspects plus douloureux de la vie des personnages. La chanson Hélène de Roch Voisine en est un bon exemple. Omniprésente dans l’histoire, c’est un symbole fort. Ce succès des années 90 que Léo tente d’interpréter au ukulélé tout au long du film est une arme déterminante qui illustre avec brio ses efforts, sa détermination et son évolution jusqu’à la fin.
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