Avec une sincérité touchante, Iannicko N’Doua s’ouvre sur ses retrouvailles avec son père dans la pièce Neige sur Abidjan. Ce premier texte de l’auteur, mis en scène par Marc Beaupré, est présenté au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui du 4 au 23 novembre.
Mention photo: Valérie Remise
Étant le fruit de l’union entre une Québécoise et un Ivoirien en séjour à Montréal, Iannicko N’Doua a vécu jusqu’à l’âge de quatre ans avec son père avant que celui-ci retourne dans son pays.
En 2008, à l’âge de 20 ans, il voyage à Abidjan et entreprend une quête identitaire pour se réconcilier avec ses racines paternelles.
L’homme n’a partagé les détails de son périple à personne pendant la dizaine d’années qu’il a prise pour écrire ce récit « initiatique et thérapeutique », partage-t-il.
Le Père, le Fils et le Griot
N’Doua emmène le public dans un pèlerinage vers le lieu sacré d’une enfance qu’il n’a pas connue. Le regret, la pudeur, la colère et même le plaisir parsèment la rencontre incandescente entre un enfant et un père qui ont grandi à part.
Il n’y a que deux interprètes. Iannicko N’Doua, qui s’incarne sous le personnage du Fils, et Hamadoun Kassogué, qui joue habilement le Père et le Griot.
Surprenante mais nécessaire, la présence du Griot apporte un élément mystique à la pièce. Il représente le « réceptacle des souvenirs » de l’entièreté de la lignée familiale. Il nourrit le récit de secrets et d'anecdotes, et guide le Fils ainsi que l’auditoire à travers l’histoire.
Le jeu de Kassogué secoue et réveille la salle. L’acteur malien réussit aussi à incarner une multitude de personnages, une tante, un frère, un voisin, en ne changeant que de ton de voix ou de posture. Ces changements d’identités se font parfois en l’espace d’un instant, la métamorphose est si fluide qu’elle donne l’impression qu’une foule est présente sur scène.
Un décor intimiste
D’immenses panneaux en verre opaque sont utilisés pour ajouter de l’intimité à l'œuvre. Certaines scènes demandent plus de pudeur, notamment lorsque N’Doua s’ouvre sur le décès de son père.
À ce moment, le Fils se déshabille partiellement et se retire derrière les paravents vitrés, alors qu’un véritable blizzard s’acharne sur scène. La salle est transportée jusqu’aux rues tempétueuses de Montréal, happée par la violence de ce partage inattendu.
Cette partie de la pièce surprend et laisse l’auditoire perplexe. Celui-ci ne sait pas s’il doit se sentir gêné ou privilégié de recevoir cette confidence.
Malgré la lourdeur des propos, l’auteur réussit à vivifier sa pièce grâce à du contenu audiovisuel. La première visite de N’Doua sur la rue Princesse à Abidjan, reconnue pour ses nombreux bars et ses soirées déjantées, est illustrée sur scène par une chorégraphie de danse entraînante et du coupé-décalé, un genre musical d’origine ivoirienne.
Les lumières chaudes, les extraits sonores et les vidéos diffusées pendant la pièce téléportent les spectateurs et les spectatrices à l’autre bout du monde : Abidjan respire sur les planches du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.
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