Crédits photo: Yanick Macdonald
Mise en scène par Marie-Ève Milot et coécrite par cette dernière et Marie-Claude St-Laurent, la pièce Sappho, présentée au Théâtre de Quat’Sous du 8 mars au 2 avril, est une ode à la sororité qui explore l’amour entre femmes sous ses multiples facettes.
Propriétaire d’une maison en décrépitude, Denise (captivante Muriel Dutil) accueille des femmes de toutes provenances et de tous âges qui trouvent l’asile en cet endroit « fait pour [qu‘elles soient] bien et en sécurité ». Entre ces murs au papier peint effrité, la doyenne perpétue l’héritage de la poétesse grecque Sappho en racontant son histoire tout en offrant un refuge à ses « Muses », nom qu’elle donne à ses protégées. « C’est ici et ensemble qu’elles réinventent la philia », relation à mi-chemin entre amour et amitié. Unies, les plus jeunes prennent soin de la matriarche qui, à travers la tradition orale, leur transmet la parole de Sappho.
La pièce détient cette valeur à la fois humaine et historique : Marie-Ève Milot et Marie-Claude St-Laurent assemblent les fragments de l’œuvre de la poétesse en les mêlant à l’histoire de personnages féminins multidimensionnels. La pluralité des relations qui unissent ces femmes est dépeinte lorsque, chacune leur tour, elles évoquent leur lien avec une consoeur absente – une fille, une amie ou une amoureuse – par le biais d’une lettre.
La cohésion se ressent d’ailleurs au sein de la distribution. À la fin de la représentation, les cinq interprètes s’étreignent. Cette indéniable chimie entre les comédiennes rejaillit sur scène, où la sincérité émane des liens tissés.
Un vieux rétroprojecteur qui cadre avec l’apparence négligée des lieux montre au public les images que colle Denise dans son livre de scrapbooking. Le grand mur au fond de la scène devient porteur de la vie de la poétesse. Rappelant les figures noires des vases grecs, les ombres conjuguent passé et présent. Bien que l’outil soit désuet, il dynamise la narration et offre des visions créatives et uniques au public. La superposition d’acétates qui montrent les différents visages qu’a portés Sappho au fil des ans est ainsi remarquée. Un passage où des gouttes violettes sont déposées dans un bassin d’eau sur le rétroprojecteur présente également un sublime tableau en mouvance.
Il est touchant de voir abordés sur scène le désir féminin et l’amour mère-fille. Le parallèle établi par Marie-Ève Milot et Marie-Claude St-Laurent entre l’ancienne tenancière de boîte de nuit qu’est Denise et la poétesse de l’Antiquité atteste que malgré les siècles qui séparent les deux femmes, leur destin se croise. Comme quoi Sappho a su capter l’essence de ce qu’être femme signifie, hors de l’espace et du temps.
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