Promenades nocturnes, réalisé par Ryan McKenna, a été projeté en salle pour la première fois le vendredi 19 janvier à la Cinémathèque québécoise. Le cinéaste offre une expérience sonore surchargée et visuellement excentrique qui imite la perspective d’une personne en perte de capacités cognitives.
Ethel, femme âgée résidant à Montréal dont l’autonomie est réduite par plusieurs symptômes de démence, vit avec sa fille qui l’aide dans les tâches quotidiennes. Ethel erre dans sa maison en ne reconnaissant plus l’endroit où elle vit depuis plusieurs années. Lorsqu’elle est déplacée dans une résidence spécialisée, ses expériences surréalistes troublent les limites de la réalité.
L’histoire se déroule à travers la perspective d’Ethel; la structure prend la forme d’ellipses temporelles de façon à imiter les trous de mémoire. McKenna dépeint une représentation austère et déstabilisante de la démence. Ethel se désintéresse presque entièrement des événements de sa vie pour laisser place aux perceptions sensorielles du moment présent. L’auditoire n’a d’autre choix que d’éprouver la même attention contemplative à l’environnement sonore et visuel du personnage qui devient de plus en plus confus.
Marie Brassard, qui interprète la protagoniste, livre une performance extrêmement juste. Dans les échanges avec sa fille qui étaient souvent improvisés, elle adopte le ton naïf d’une enfant qui se fait gronder, mais sa voix laisse paraître un trouble intérieur profond. Les répliques d’Ethel sont humoristiques et surprenantes, imitant la logique aléatoire d’une personne avec ces types de maladies. Les paroles sont rares, mais Brassard réussit à incarner le personnage dans chaque trait froncé de son visage et dans chaque mouvement angoissé de son corps.
Une immersion troublante
Cinématographiquement, ce décalage est illustré par des effets visuels omniprésents. Dédoublement de l’image, filtres colorés qui se superposent, éléments du décor ou des personnages effacés, plans vaporeux; la créativité de Ryan McKenna est indéniable, bien que certaines scènes aient une allure psychédélique peu crédible.
Certains effets ont même été créés directement pendant le tournage alors que le réalisateur, par exemple, obstruait l’objectif avec des cristaux pour créer des reflets colorés sur l’image. Pour définir l’euphorie visuelle, McKenna en FAQ après la diffusion a aussi dit s’être inspiré des toiles abstraites du peintre américain William Utermohlen, qui était atteint de la maladie d'Alzheimer.
Les effets sonores surprennent tout autant et sont même étourdissants. Lorsqu’Ethel s’égare en forêt pour fuir la résidence insécurisante, l’ambiance auditive suggère davantage une chambre d'hôpital. La même idée est répétée alors que la cacophonie d’une cour d’école accompagne plusieurs scènes se déroulant à l’intérieur.
Dans ce film aux effets stylistiques exubérants, Marie Brassard a su apporter énormément de nuance et de réalisme au rôle audacieux d’une femme en perte de repères. Promenades nocturnes se retrouvera en tête d’affiche de la Cinémathèque québécoise jusqu’au 30 janvier.
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