Le théâtre Espace Libre présente Pleurs, une pièce absurde et malaisante dans le bon sens du terme. La Nouvelle Troupe Expérimentale braque les projecteurs sur sa talentueuse relève théâtrale puis talonne le public de rire.

Mention photo: Marlène Gélineau-Payette
Le personnel du funérarium Bière-Martin, aux habits fleuris comme du papier peint vintage, reçoit une clientèle plus qu’éclectique. Disciples de Gaïa, thanatologue des Internet ou même une chamane-mycologue, tous et toutes d’un autre monde. Pleurs est une comédie légère où la commercialisation de la mort et de bien curieuses célébrations se rencontrent.
Un fond de vérité
Sans complètement mettre le pied dans la critique sociale (disons un orteil), la pièce lance quelques flèches subtiles aux créatrices et créateurs de contenu prêts à tout faire pour des clics et obtenir de l’attention.
Les réseaux sociaux, comme la publicité, sont omniprésents et donnent véritablement lieu à des situations absurdes.
Infopublicité grand public
Dans un format « Télé Achats», Mehdi Agnaou, Fabrice Girard, Zoé Boudou, Caroline Somers, Simon Duchesne, Laurence Laprise et Anne-Sarah Charbonneau enchaînent les sketchs commerciaux, généreux en morbidité. Les jeunes artistes profitent de l’occasion pour «lâcher leur fou » et «avoir du fun », comme suggéré au public par Alexis Martin et Daniel Brière, les directeurs du Nouveau théâtre expérimental, avant la représentation.
L’esthétique kitsch des metteuses en scène Geneviève Labelle et Mélodie Noël Rousseau de la compagnie Pleurer Dans’ Douche, rappelle celle du réalisateur Wes Anderson, qui cadre parfaitement avec le troisième degré humoristique et les longs silences inconfortables.
Le texte à sept têtes s’intéresse à l’humour de la nouvelle génération et à ce qu’elle hérite des précédentes. La pièce est bourrée de références culturelles anachroniques à la sauce moderne, alors tout le monde peut y trouver son compte.

Mention photo: Marlène Gélineau-Payette
Tout en formule
La structure cacophonique et chargée de certaines scènes n’offre pas nécessairement la chance au public de tout voir, mais les rires suivent le rythme.
Pensons notamment à Chantal, la chanteuse du salon funéraire, qui adapte son répertoire à son public d’endeuillés, allant de Fouki à La Compagnie Créole. Les moments musicaux d’une cérémonie mortuaire déclenchent généralement un flot de larmes, alors que le rap de Chantal génère une vague de rires dans le public.
Tout à l’encontre du décorum d’un salon funéraire, la génération Z se désinhibe et frôle même la nécrophilie. Le chat orphelin de la défunte « matante » Anne flâne à travers toute la pièce et la mayonnaise accumule les placements de produit.
D’ailleurs, tout élément de la pièce peut potentiellement être une mise en scène inusitée de publicité. Les mouchoirs parfumés au « pâté à la viande » en sont le meilleur exemple. Le comique de la situation n’est pas dû qu’à son absurdité. La manière qu'ont les comédiens de repousser les limites de la théâtralité avec des ritournelles chorégraphiées, l’air stoïque, en troupeau comme des “oompa loompa” y est également pour beaucoup.
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