Crédits photos: 6e festival Plein(s) Écran(s)
En attendant l’annonce officielle des œuvres nommées aux Oscars dans la catégorie du meilleur court métrage de fiction le 8 février prochain, Le Culte pose un regard sur deux demi-finalistes québécoises encore en lice, dont les films ont été projetés dans le cadre de la sixième édition du festival Plein(s) Écran(s).
Frimas de Marianne Farley
Kara (éblouissante Karine Gonthier-Hyndman) attend dans le froid, agitée. Un camion arrive, le chauffeur la somme de monter à l’arrière. Elle se fraye un chemin entre les pièces de viande, symboles de la boucherie qui se trame dans le camion, jusqu’à une table d’opération où l’attend la femme (Chantal Baril) chargée de l’avorter illégalement. Toute personne qui pratique ou subit un avortement est passible d’emprisonnement dans le Québec dystopique de Frimas imaginé par Marianne Farley. Une réalité pas si lointaine, le Texas ayant établi cet automne une nouvelle loi qui interdit l’avortement dès que les battements de cœur de l’embryon sont détectés.
Ce bond dans le futur, pour finalement régresser vers un modèle conservateur, évoque le roman La servante écarlate de Margaret Atwood, récemment adapté en série télé. Son intrigue se déroule dans un système où la religion domine l’État et où les femmes sont asservies. Bien que Frimas ait lieu dans l’avenir, les vêtements portés par Kara reflètent ceux d’une époque révolue. Sa longue jupe rappelle un uniforme rigide qui cloître le corps de femmes assujetties à des lois archaïques.
En une vingtaine de minutes, Marianne Farley traite de solidarité et de condition féminines, des thèmes rejoignant ceux de son court métrage Marguerite, qui lui a valu une nomination aux Oscars en 2019. Prêtes à risquer leur vie pour mettre fin à la grossesse, les protagonistes de Frimas démontrent qu’on ne peut totalement éradiquer l’avortement et qu’il continuera d’exister, même sous un régime totalitaire. Le court métrage s’inscrit ainsi dans la veine de la résistance, établissant que les femmes ne s’avoueront jamais vaincues. « Ton mari n’est pas pro-vie, on dit antiavortement », tranche ainsi celle qui exécute les avortements illégaux, résumant le discours de la réalisatrice.
Les grandes claques d’Annie St-Pierre
Alors que les festivités vont bon train et que l’on attend l’arrivée imminente du père Noël, Denis (touchant Steve Laplante) angoisse à l’idée d’aller chercher ses enfants qui célèbrent le réveillon dans son ancienne belle-famille. Le père appréhende un retour chez son ex-femme, sachant que les choses ont changé et qu’il est désormais intrus.
Semblable à un vieil album photo qui ravive les souvenirs des Noëls québécois des années 70, Les grandes claques rejoint en ce sens C.R.A.Z.Y. de Jean-Marc Vallée. Les manteaux sur le lit, les desserts, les chansons en chœur sur des airs chrétiens : ces détails remettent en mémoire des images qui sont familières pour plusieurs. Annie St-Pierre présente ainsi le beau, mais aussi le laid des réunions de famille, comme les conversations vides et les inconforts.
La cinéaste a délibérément choisi de camper son deuxième court métrage de fiction dans cette période festive de l’année afin d’évoquer la rupture entre la magie de l’enfance et la réalité, qui peut être plus dure. À travers le regard de la petite Julie (Lilou Roy-Lanouette), poussée à grandir plus vite que prévu, l’auditoire revit son propre passage vers la maturité. Annie St-Pierre propose une immersion nostalgique dans une époque où les séparations de parents étaient encore peu communes, réalité qu’elle traduit avec une grande sensibilité.
Frimas et Les grandes claques sont disponibles pour visionnement sur la plateforme patreon du festival Plein(s) Écran(s) jusqu’au 31 janvier 2022.
Comments