Court, intense, à l’intrigue aux multiples développements, le film Une révision de Catherine Therrien, présenté le 2 novembre en ouverture de la 27e édition du festival CINEMANIA, entraîne le public dans une spirale dramatique où les conséquences d’une simple correction sur un travail de philosophie donnent lieu à un effet papillon.
Étienne Brasseur (Patrice Robitaille), fervent enseignant de philosophie au Cégep et auteur d’un nouveau roman controversé, se voit remettre par une de ses étudiantes (Nour Belkhiria) un travail argumentaire dans lequel le Coran est cité aux côtés du philosophe rationaliste Spinoza. Les opinions des protagonistes sur ce choix vont se heurter, créant un incontrôlable crescendo.
Des personnages polarisés
Patrice Robitaille colle parfaitement à cette génération d’enseignants et enseignantes ayant grandi dans les vestiges d’un Québec religieux et s’étant plus tard émancipée de ces croyances. Le comédien interprète brillamment la surprise de ce quarantainenaire face au fossé qui le sépare de ses étudiants et étudiantes issu.e.s de multiples cultures et appartenant à diverses confessions. Nour Belkhiria, qu’on a pu voir en Ismène dans Antigone de Sophie Deraspe, fait preuve d’une grande sensibilité, reflétant par son jeu expressif le conflit intérieur de Nacira, tiraillée entre sa foi et la rationalité.
Chacun des personnages incarne une vision du monde qui amène différentes perspectives sur la place et la valeur accordée aux textes religieux en philosophie, mais aussi sur l’éducation et la pédagogie. La directrice du collège, jouée par Édith Cochrane, personnifie par exemple le clientélisme : elle plaide que l’école est un lieu d’échange où les élèves ont leur mot à dire dans le processus de correction.
Entre réalité et fiction
Cette position en faveur des étudiants et étudiantes fait écho à la réalité des directions des établissements d’enseignement supérieur, que les enjeux liés à la liberté académique au cours de la dernière année ont éprouvées. En ce sens, le long métrage semble s’inscrire dans la foulée de l’affaire Lieutenant-Duval, cette polémique déclenchée l’automne dernier lorsqu’une professeure de l’Université d’Ottawa avait mentionné le mot en n lors d’un cours.
Le film est donc fortement ancré dans des questionnements d’actualité : qui a le dernier mot, la personne qui enseigne ou l’élève? Qui va-t-on défendre lorsqu’une situation a des allures de racisme ou de discrimination? Une révision amène les spectateurs et spectatrices à questionner à la fois leurs postures face à de tels enjeux ainsi que les véritables motifs derrière les décisions qui sont prises dans ces situations.
L’importance de dialoguer
Sans parti pris apparent, Catherine Therrien traite du sujet au cœur de son long métrage avec une quasi-objectivité – si celle-ci est atteignable. La réalisatrice développe les différents points de vue de ses personnages, permettant à l’audience de comprendre pourquoi ils et elles les défendent. Elle dresse ainsi une fresque complète et nuancée où toutes les voix sont entendues, laissant donc à ceux et celles qui visionneront Une révision le soin de choisir un camp.
Cette approche est cohérente avec la fin du film, optimiste, peut-être même un peu idéaliste. Une révision s’articule exactement comme un travail de philosophie : il ne cherche pas la vérité ni ne prétend la déceler. Il met seulement de l’avant ce dont la société a besoin en ce moment, d’après Catherine Therrien : le dialogue.
Une révision sort en salles le 5 novembre prochain.
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