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Photo du rédacteurAllyson Caron-Pelletier

Maude Girard : Une planète à la fois

Dans le cadre de sa maîtrise en arts visuels, Maude Girard explore les rapports possibles entre l’humain et la nature et s'interroge sur la distance relationnelle entre les différents êtres vivants. Son projet : incuber sur son ventre un végétal pendant 42 jours.


L’atelier lumineux de Maude Girard qui incorpore sa serre aménagée en janvier 2023.

Maude Girard, étudiante à la maîtrise en arts visuels et médiatiques à l’UQAM, est aussi horticultrice. C’est d’ailleurs son métier, qu’elle dit « conditionné par les changements climatiques », qui a ancré en elle ses préoccupations environnementales. Celles-ci ont ensuite motivé sa pratique artistique. 


Alors que l’artiste s’intéresse à plusieurs médiums, dont la photographie, son approche actuelle essaie de se différencier par rapport aux pratiques esthétiques et utilitaires pour se centrer sur une « relation de réciprocité » avec le végétal. « On ne se pose pas assez de questions sur les choses qui sont proches de nous, c’est pourquoi j’ai choisi les plantes d’intérieur », explique Maude Girard, qui a accueilli Le Culte dans son atelier au pavillon Judith-Jasmin de l’UQAM. Pour son travail de maîtrise, elle a choisi d’incuber une plante-araignée de son nom latin chlorophytum comosum. 


Maude enfile la ceinture d’incubation dès son lever et la porte environ huit heures par jour pour que la plante « suive son cycle ».

L’aspect scientifique (ou presque)


Depuis le 12 mars dernier, l’étudiante note au minimum une fois par jour, avec la date et l’heure, la température de son ventre, la température de la pièce, puis celle de la surface interne (collée au ventre) et externe du pot, afin d’en estimer la température globale. 


L’artiste couve le végétal à la période de l’année où celui-ci a particulièrement besoin de chaleur et d’humidité, deux éléments que le corps humain fournit. Le chlorophytum comosum a germé le 25 mars. 


À l'exception de récupérer ces observations, l’artiste n'a pas le souhait de travailler de façon très méthodique et d’avoir le soutien de scientifiques. « J’ai besoin de créer un possible qui soit accessible, d’agir dans une économie de moyens et de ressources [avec] des choses que j’ai sous la main », explique-t-elle. Dans une optique écologique, l’étudiante a choisi d'utiliser du matériel qu'elle disposait déjà pour son œuvre.


L’étudiante utilise également un luxmètre pour mesurer les fluctuations de lumière auxquelles est exposé le végétal.

Les possibles relationnels et intimes 


C’est en 2022 que l’artiste a entamé ses réflexions sur les différentes relations qu’entretient l’être avec la nature ainsi qu’avec sa propre espèce. « La manière que l’humain prend position en tant qu’être vivant me fait mal, nous fait mal. La destruction des écosystèmes fait du mal à tous, parce qu’on n’est pas à l’extérieur des relations inter-espèces », affirme Maude Girard. 


Pour alimenter son projet, Maude s'intéresse notamment à l’ouvrage Métamorphose du philosophe italien Emanuele Coccia qui relate que chaque être vivant est la planète d’un autre. « C’est ma gravité, mon environnement et comme tout être, la plante ressent les vibrations émises par mes émotions et ma digestion », révèle l’artiste. De plus, elle a choisi d’arroser le terreau avec « l’eau de son corps », soit en cueillant par distillation l’eau de son urine.


L’étudiante souligne que son approche n’est pas maternelle. Elle explique que cette vision est limitante, car elle ne fait pas écho à son positionnement. Sa démarche se lie plutôt avec les concepts de cohabitation, de care et d'écoféminisme.


Après quelques semaines d’incubation, l’artiste estime que les deux êtres s'aident mutuellement. Elle note surtout une plus grande sensibilité envers elle-même. « Quand je suis stressée, je me dis de me calmer, car ça doit influencer la plante. Ça me rapporte sur ce que je vis et ça me recentre », confie Maude. 


L’étudiante explique son processus de création et l’élaboration de la serre intérieure.

« Ouvrir les horizons »


Une exposition qui se tiendra en 2025 partagera l’expérience et le processus intime entre l’artiste et le végétal. L’étudiante souhaite « ouvrir les horizons » sur la capacité de l’humain à donner et à partager avec les autres êtres vivants, puis prouver qu’il est possible d’engager une relation similaire. « Le but [de l'œuvre] pour moi-même, c’est de soigner mon écoanxiété en prenant racine et en prenant soin des autres. J’essaie de voir comment mon rythme de vie [et] mon espace ne peuvent pas devenir propices à la nature qui est là. J’ai un espace, pourquoi je ne le partagerais pas ? », conclut l’artiste. 


Choix original, Maude dédiera son mémoire à la plante incubée sous forme de lettres et de réflexions écrites. L’étudiante débutera sous peu la rédaction de celui-ci qui se fera jusqu'à l’automne prochain. 


L’artiste entrera ensuite dans la production de son exposition en analysant tous les écrits, les photos et les vidéos amassés depuis le début du projet. L’objectif est de proposer une lecture accessible et touchante de son œuvre. Sans date ni endroit en tête, elle mentionne que le déploiement de celle-ci prendra vie lors de la session d’hiver 2025. Native de Sherbrooke, Maude Girard quittera définitivement Montréal fin avril pour retrouver ses racines et continuer son travail d’horticultrice à travers le paysage du mont Bellevue.


Maude Girard au bureau de travail de son bien-aimé atelier dans lequel elle passe la majorité de son temps.

Crédit photo : Allyson Caron-Pelletier

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