Alors que notre système de santé et de services sociaux est dans un état de crise, le cirque social réinvente la relation d’aide dans un contexte créatif et inclusif. Le Culte est allé à la rencontre du Cirque Hors Piste, un organisme de bienfaisance à but non lucratif montréalais qui met en œuvre cette approche.
Le concept de cirque social, qui existe depuis le milieu des années 80, consiste à utiliser les arts du cirque comme outils d’intervention. Dans cette optique, Cirque Hors Piste, fondé en 1993 par le Cirque du Soleil ー et qui portait auparavant le nom de Cirque du Monde ー, offre un espace de création inclusif à des jeunes aux parcours de vie marginalisés.
Changer des vies avec le cirque social
Avant d’incarner le rôle d’instructrice au Cirque Hors Piste, Éliane Bonin occupait celui de participante. Après avoir passé cinq à six ans sans domicile fixe, on lui a proposé de participer à un atelier du Cirque du Monde alors qu’elle était de passage à Montréal.
Éliane Bonin, instructrice de cirque à Cirque Hors Piste
« Quand on dit “le cirque m'a sauvé la vie”, pour moi, c'est vraiment vrai », confie l’artiste. Pour elle, ça a été le début de la fin de ses problèmes de dépendance à l’alcool, et les balbutiements d’une longue aventure dans le milieu du cirque social.
Bien que l’organisme soit ouvert à tout le monde, une bonne partie des personnes qui en utilisent les services est constituée de jeunes en situation d’itinérance et parfois avec des problèmes liés à la consommation d’alcool et d’autres drogues.
À travers les ateliers offerts par l’organisme, les jeunes font non seulement l’expérience de réchauffements, de techniques de cirque, de jonglerie, mais aussi de jeux et d’exercices de prises de parole. Avec la création d’un horaire stable et d’objectifs concrets à atteindre dans un contexte de plaisir, le cirque social offre aux participants et aux participantes ayant des problèmes de dépendance un cadre qui favorise la diminution de leur consommation. « Non seulement ça te fait une bonne raison pour rester sobre, mais c'est aussi que, pour moi, tu n’arrêtes pas quelque chose : tu le compenses ailleurs », explique celle que tout le monde surnomme Éli.
Une alternative qui fonctionne
Ayant travaillé comme intervenante en itinérance et ayant pu constater les lacunes du système de santé et de services sociaux québécois, Marilou Vinet voit de près les nombreux avantages de l’approche du cirque social.
Marilou Vinet, coordinatrice de l’intervention à Cirque Hors Piste
Pour les personnes en situation précaire ou d’itinérance, l’état de survie dans lequel ils et elles se trouvent laisse très peu de place au plaisir, estime la coordinatrice. « Il faut davantage d'espaces pour réaliser son bien-être par autre chose que ses besoins de base », croit-elle.
L’intervenante ajoute qu’elle trouve très puissant de voir les gens cheminer et gagner de la confiance dans le cadre des activités de cirque : « Les personnes vont souvent prendre conscience elles-même de leurs réalisations, de leurs forces, parce qu'elles l'expérimentent, parce qu'elles sont reconnues par leurs pairs. »
Un espace inclusif et sécuritaire
L’instructrice Éliane Bonin rappelle que Cirque Hors Piste ne vise pas des objectifs de performance, mais bien l’épanouissement des jeunes : « Le but, c'est que tu te sentes inclus, en sécurité, et que quand tu affrontes des peurs ou des défis, tu sois accompagné à ton rythme. »
À 24 ans, c’est justement pour cette inclusivité qu’Alex, participant·e à Cirque Hors Piste, fréquente l’organisme. Iel a commencé à participer aux ateliers alors qu’iel traversait une période difficile lors du re-confinement à l’hiver 2021 : « J’avais des problèmes de colocation. J’avais un gros cercle social et de soutien qui était à l'université, et que je ne voyais plus nécessairement. J’avais pensé lâcher l’université. »
Alex, à gauche, lors d’une représentation dans le cadre du festival Montréal Complètement Cirque
À travers l’organisme, Alex est allé·e chercher le soutien qui lui manquait. « J’avais besoin de ces espaces-là pour parler », raconte-t-iel. Les ateliers lui ont permis de discuter de ce qu’iel vivait dans un environnement sécurisant et positif, de regagner confiance en sa personne et d’assouvir son besoin de bouger.
Pour Alex et pour d’autres, peu importe les besoins initiaux, le cirque social est la preuve qu’ un milieu inclusif, constructif et mixte, qui prône le plaisir et le droit à l’erreur, est un vecteur de changements positifs.
Crédits photos : William Laplante.