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Photo du rédacteurAllyson Caron-Pelletier

L’éveil du printemps : Les mouvements du désir

Présentée en première montréalaise le 24 janvier dernier au Théâtre Denise-Pelletier, la pièce L’éveil du printemps, propose une adaptation bien ancrée dans l’actualité où il est question de la découverte de soi et de la sexualité chez les adolescents et adolescentes.



Le public suit un groupe de cinq ami·es d'environ 14 ans, soit l'âge où débute l’éveil sexuel et l’exploration de l’identité propre face au monde extérieur. Avec leurs personnalités colorées et leur soif de réponses, Moritz (Gabriel Favreau), Wendla (Sarah Villeneuve-Desjardins), Melchior (Claude Breton-Potvin), Martha (Carla Mezquita Honhon) et Otto (Gabriel Lemire) font face à leurs premières pulsions.


Mise en scène pour la première fois à Berlin en 1906, la pièce est écrite par l’allemand Frank Wedekind en 1891. L'œuvre est censurée dès sa publication parce qu’elle critique la société bourgeoise en abordant des thèmes qui sont encore tabou aujourd'hui, tels que l’homosexualité, le désir, l’orgasme, le viol et le suicide. 


Le dramaturge David Paquet en fait une relecture contemporaine qui a été jouée pour la première fois au Théâtre du Trident, à Québec, en 2023. La pièce a reçu de nombreuses distinctions dont le prix Robert Lepage 2022-2023 pour la meilleure mise en scène et le prix Paul-Bussières 2022-2023 pour la meilleure conception de décors. 


L’éveil du corps


La mise en scène d’Olivier Arteau, en harmonie avec la chorégraphie rythmée de Fabien Piché, offre un spectacle éclaté et décomplexé. Au centre de la scène s’impose une grande structure inclinée conçue par la scénariste Amélie Trépanier. L’interprétation de la pièce exige des efforts physiques constants de la part des interprètes alors qu’ils exploitent cette pente pour glisser et pour faire différents mouvements, le tout à travers des numéros de cordes à sauter. Les corps en mouvement communiquent les fantasmes et désirs des personnages. 


« J’ai pas besoin d’être belle, mais libre » 


Au-delà de ses personnages et de son histoire, L’éveil du printemps révèle une critique sociale du capitalisme et du système de justice actuel, en plus de montrer des jeunes confronté·es aux réseaux sociaux et à l’accès à du contenu pornographique de tous genres. Tantôt par l’humour, tantôt par la tristesse, le message du texte met le doigt sur des enjeux de taille et force la réflexion. 


Les personnages expriment leur incompréhension face à la pauvreté dans un monde où la richesse est exubérante. La même phrase percute à chaque fois le public : « La femme qui est morte de froid à côté d’un condo vide, c’est pas normal de mourir de froid dans une ville pleine de condos vides. »


Au début de la pièce, la mère de Wendla (Marie-Josée Bastien) lui offre trois robes peu attrayantes pour son anniversaire. Après une réaction de dégoût de la part de sa fille, elle lui répond : « Maintenant que tu as 14 ans, va falloir que tu sois aussi laide que ces robes-là. » Attristée et confuse par la nouvelle, la jeune femme exprime tout de même à ses amis : « J’ai pas besoin d’être belle, mais libre. »


Avec son œuvre, David Paquet pointe entre autres le combat continuel des femmes à devoir prouver leurs droits et leur légitimité devant une société et un système de justice influencés par le patriarcat. 


Mettre en relation autant de matière et d'idées à l’intérieur d’une seule pièce de 110 minutes est un défi volumineux que le dramaturge réussit avec brio. 


La pièce L’éveil du printemps sera à l’affiche au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 17 février 2024.


Crédit photo : Stéphane Bourgeois


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