Quand le hip-hop rencontre le théâtre et qu’on y saupoudre une pincée d’humour aux limites du politiquement correct, ça donne Je comprends. Respect., la nouvelle pièce d’Etienne Lou. Une expérience initialement incompréhensible qui devient divertissante en moins de temps qu’il faut pour dire dance battle.

Mention photo: Frédérique Ménard-Aubin
Le public entre dans la salle et le spectacle est déjà commencé. Le fantôme du Quat’Sous, un vieil homme grincheux, échange avec Etienne Lou, le créateur de la pièce, alors que les danseurs et danseuses démontrent leur talent en vue d’être sélectionné·es pour la pièce.
Etienne Lou, animateur et personnage central du récit, ouvre le bal en appelant les premiers danseurs et danseuses sur scène pour une confrontation de danse. S’ensuit le récit de sa vie, entrecoupé de moments de chorégraphies. C’est l’histoire de l’arrivée du hip-hop dans le quotidien d’un petit garçon d’origine chinoise qui habite un quartier bourgeois de l’île-des-Sœurs.
L’expérience est hyperactive et pleine de personnages, plus ou moins réels, hauts en couleur. Le public rit d’abord de surprise et d’incompréhension, mais le verdict est tranchant, une ovation debout en conclusion de cette première.
Je comprends
La pièce aborde la tentative plus ou moins réussie d’Etienne Lou de s’intégrer dans un groupe de danse Krump, composé de danseurs exclusivement noirs. Il admire ces personnes et il veut leur ressembler, par tous les moyens.
Cette tentative d’intégration multiculturelle laisse place à des scènes hilarantes. Etienne Lou raconte, par exemple, comment, en se tenant avec un des hommes du groupe qui utilisait fréquemment le mot en N, il a fini par l’utiliser lui-même un jour. « Ça, je peux vous dire que c’était une grande journée dans ma vie. »
Le salut nazi, Andrew Tate, « les Chinois ont de petits pénis » et le seigneur des anneaux, tout y passe et reflète à la perfection l’humour d’une génération qui a grandi avec l’apparition des réseaux sociaux.
Il n’y a pas seulement l’humour qui permet de s’identifier à l'œuvre, les expériences du protagoniste étant également universelles, avec une touche de la culture populaire des années 2000. Il cherche à être accepté dans un groupe, à plaire aux filles, à être bien perçu par le milieu de la danse, le tout dans un tourbillon multiculturel et technologique unique au changement de siècle.
Danser pour exister
La danse est la fibre même de cette pièce de théâtre, le sujet central du récit. Toutefois, elle rythme aussi le tout. Lorsque Etienne Lou évoque les dance battle qui ont marqué sa vie, ceux-ci prennent vie sur scène. Ces danseurs et danseuses aux styles distincts compétitionnent pour remporter un réel prix en argent. Ils et elles sont différent·es chaque soir, offrant un spectacle unique.
Les juges, trois personnalités du milieu, désignent le vainqueur à chaque étape et jouent les personnages de la vie d’Etienne Lou. Ils et elles ont également leur moment pour briller, chacun·e à leur tour, obtenant carte blanche quelques minutes pour danser, chanter ou faire un discours.
Les enjeux grimpent en même temps que l’histoire se développe et que les chorégraphies s'enchaînent. Le public souhaite la réussite d’Etienne Lou, comme il anticipe le ou la gagnant·e de la compétition. L’histoire du jeune chinois privilégié de l’île des Sœurs se superpose à celle de ses danseurs et danseuses. Sans les comprendre ou les connaître, il est possible d’imaginer qu’ils et elles ont pu vivre des expériences similaires à Etienne Lou.
Je comprends. Respect. est présenté au Théâtre de Quat'Sous jusqu’au samedi 22 mars.
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