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Photo du rédacteurMarc-Antoine Franco Rey

Chien Blanc : arme blanche

Si la mort de Martin Luther King et celle de George Floyd se sont déroulées à plus de cinquante ans d’intervalle, Anaïs Barbeau-Lavalette fait de la première la réflexion de l’autre, comme un miroir, dans son dernier long-métrage Chien Blanc.


Crédits photo : Photo courtoisie


Le 4 avril 1968, le pasteur et militant qui a dit « I have a dream » est assassiné à Memphis. L’homicide représente un double meurtre pour la communauté noire, dont l’espoir a été abattu avec le révérend. Les États-Unis s'embrasent, d’une façon semblable au mouvement Black Lives Matter en mai 2020.


Au même moment, à Los Angeles, l’écrivain français Romain Gary et sa femme, l’actrice engagée Jean Seberg, recueillent chez eux un chien errant. Mais le corniaud est aussi tendre avec le couple et leur fils Diego que féroce avec les personnes noires. C’est qu’il s’agit d’un chien du Sud, dressé pour s’attaquer aux esclaves en fuite. Ayant besoin de continuer à croire au changement, l’auteur laisse à Keys, un dresseur noir, le soin de rééduquer l’animal.


Sujet difficile


La cinéaste québécoise s’attèle ici à un enjeu lourd et sensible. Présente à la première du long-métrage en ouverture du festival de films francophones Cinémania, la réalisatrice a insisté sur le courage des gens investis dans le projet. Chien Blanc s’interroge donc sur l’étendue du racisme : est-ce possible de réapprendre ?


Fort par son propos et ses images, Chien Blanc se perd quelque peu en chemin, comme si Anaïs Barbeau-Lavalette avait choisi la primauté du sujet sur la consistance du scénario. Documentariste chevronnée, Anaïs Barbeau-Lavalette laisse davantage parler ses sujets qu’elle parle à travers eux. Basé sur le roman philosophique et en partie autobiographique de Romain Gary, double lauréat du prix Goncourt, Chien Blanc représentait un défi de taille du point de vue de l’adaptation cinématographique.


Conflit intérieur


Dans le rôle-titre, l’acteur français Denis Ménochet est éclipsé par Kacey Rohl, qui incarne son épouse. Devant toute la rage et l’impuissance face à l’injustice que communique l’actrice, Ménochet peine à lui renvoyer la réplique avec autant d’aisance. En entrevue, le comédien avait souligné son appréhension à camper l’écrivain, demeurant avec l’impression de ne pas être parvenu à le cerner complètement. Cela se ressent à l’écran, la retenue empêchant l’acteur d’être complètement en phase avec le protagoniste, comme si Romain Gary lui échappait.


Kacey Rohl, quant à elle, est saisissante de vérité et connaît parfaitement la ligne de son personnage. En tant que cinéaste au féminin, Anaïs Barbeau-Lavalette axe volontairement son récit autour d’une femme, alliée influente par sa notoriété de star. Jean se heurte toutefois au fait que la cause qu’elle soutient corps et âme n’est pas la sienne. « Nous n’avons pas grand-chose : laisse-nous notre lutte », lui lance une mère noire aux funérailles de sa fille.


Elle plonge alors dans le désarroi. Comment être un·e allié·e sans s’approprier le combat ? Anaïs Barbeau-Lavalette, épaulée de personnes afro-descendantes à toutes les étapes du processus, a mentionné avoir beaucoup appris. Jean Seberg est-elle une sorte d’alter ego, montrant le conflit intérieur qui l’a habitée à travers cette femme sensible, qui peine à trouver sa place dans la bataille ? « Tout est dans la façon de se battre », lui répond Romain Gary dans Chien Blanc.


De percutantes images d’archives accolées aux plans d'Anaïs Barbeau-Lavalette de personnes noires de toutes époques confondues, poursuivies par un chien puis par des Blancs, évoquent l’histoire qui se répète encore et encore. Anaïs Barbeau-Lavalette signe avec Chien Blanc un film ambitieux avec un traitement humain, en ces temps où la nuance se fait rare.


Chien Blanc sort en salle le 9 novembre prochain.

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