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Photo du rédacteurSamuel Lacasse

Billy : la schizophrénie, une prison

Lawrence Côté-Collins a présenté l'œuvre sociologique, Billy, le 28 novembre dernier aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal. La cinéaste revisite la lente et sournoise emprise de la schizophrénie sur son ami Billy Poulin qui a commis l’irréparable. 


Mention photo: RIDM_festival

Lawrence et Billy sont dans la mi-vingtaine lorsqu’ils se rencontrent en 2008 à travers le mouvement Kino Montréal. Désirant tous deux devenir de grands cinéastes, ils enchaînent les collaborations. 


Deux ans plus tard, Lawrence fume dans la ruelle d’un bar après l’événement Kinoël quand Billy tente soudainement de l’agresser. Lawrence décide ensuite de simplement couper les ponts. Billy se désorganise davantage, puis quitte Montréal pour retourner à son Matane natal. Il se construit la réputation d’être agressif et violent.


Le passé de Lawrence la rattrape en 2012, lorsqu’elle aperçoit Billy à la télévision au moment de son arrestation. Billy est accusé de double homicide, un crime dont il ne lui reste aucun souvenir. Après son procès, il reçoit un diagnostic de schizophrénie. C’est finalement en 2017 qu’ils reprennent contact par l’entremise de la sœur de Billy, qui cherche désespérément ami·es et soutien pour son frère.


Retracer la souffrance


Depuis sept ans, Billy entretient une relation épistolaire avec la réalisatrice, lui envoyant quelques cahiers Canada griffonnés qui documentent la création du film. S’ajoutent à ceux-ci six valises contenant des années de pensées manuscrites et de confidences vidéos qui témoignent de symptômes paranoïaques évidents. 


Entre dévouement et obsession, Côté-Collins démystifie la souffrance de son ami. La cinéaste filtre les souvenirs de Billly, puis rafistole de manière structurée les manifestations voilées de ses symptômes au fil du temps. Les voix, les hallucinations, l’isolement ou les troubles cognitifs tapissent la fresque animée.


Les montages d’archives sont narrées à partir des écrits de Billy nous donnant accès à un esprit complexe, mais qui suscite la sympathie malgré la gravité de ses crimes. La réalisatrice œuvre habituellement en fiction, mais s’est lancée dans l’exploration des excentricités de sa muse afin de le soutenir et de comprendre sa maladie. Le public est stupéfait face à cette documentation très étoffée.


Trouver le bon angle


Le malaise ressenti par certain·es est palpable et légitime concernant le meurtre de Bruno Desrosiers et l'homicide involontaire de Ghislain Bellavance, tous deux quasi absents du documentaire. La réalisatrice évite heureusement de faire l’apologie du tueur et révèle plutôt les failles de notre société. La situation de Billy dénonce sans détour les dérives créées par le manque de ressources et d’éducation en santé mentale dans le milieu carcéral comme dans la société. Ayant été soigné trop tard, le système a laissé tomber Billy.


Graver dans le marbre


La mosaïque est soudée par un montage original. Les visages floutés font des flammèches, des schémas clarifient les concepts et des collages donnent un aspect ludique à ce scrapbook biographique. 


L’exploration et l’organisation des archives par la réalisatrice reflètent sa foi en la justice réparatrice à travers un processus d’art-thérapie. Le documentaire, gagnant du prix du jury étudiant, donne l’espoir qu’éduquer et accompagner pourrait sauver des vies. 


Dans les archives, Billy est exubérant et pessimiste alors que dans les extraits plus récents, le détenu chétif demeure tranquille, voire stoïque. Billy présente à la caméra son quotidien de détenu avec une voix qui trahit une certaine angoisse. La caméra révèle une cellule plus étroite et refermée sur elle-même que l’esprit de Billy. Billy observe dans la caméra son regard vitreux et constate avec humour et stupéfaction les effets de sa forte prescription de médicaments.  


Complémentaire au récit du film, le livre Billy à vie regroupe ses réflexions manuscrites, tel un guide imagé de son psyché. Si le documentaire est une fable à la morale essentielle de même qu’une œuvre artistique accomplie, le recueil l’est d’autant plus.

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