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Photo du rédacteurJeanne Caron

Alphonse Bisaillon : Combattre la solitude par la musique

« On a tous une grande blessure autour de laquelle on tourne sans cesse dans l’espoir de la voir guérir. Être artiste, c’est explorer les questions qui découlent de ce bobo-là ». Entretien avec l’artiste émergent Alphonse Bisaillon.



Alphonse Bisaillon, album éponyme sorti le 28 octobre dernier, marque le coup d’envoi de la carrière de l’auteur-compositeur-interprète maskoutain de 24 ans. Signé sous la maison de disque L-A be, le projet regroupe cinq chansons travaillées (et surtout retravaillées) pendant quatre ans. Ralliant solitude et opéra rock, amour foutu et tango, révolte et disco, l’album peut d’abord sembler disparate, mais il introduit plutôt adéquatement l’artiste qui « regarde sous différents angles la déchirure qui [l]’anime. »


La communication comme moteur

Pour Alphonse, la chanson est une solution. « Avec l’art, on arrive à créer un pont [grâce auquel] les gens peuvent associer ce que tu racontes à leur propre expérience. Il y a une compréhension qui s’établit », explique-t-il. C’est donc dans l’espoir de faire entendre ses maux qu’Alphonse a entrepris la musique. Pour atteindre son Graal, il reste dans cet espoir irraisonné, partagé entre la réussite de s’ouvrir et la défaite de la solitude. Selon lui, le médium musical livre une puissance émotive soutenue à la fois par les mots et par le son. La musique répond à sa quête : « La chanson permet de prendre la vie humaine et de la rendre grandiose. Je chante la fragilité de l’humain, parce que c’est une expérience qui mérite à ce qu’on s’y attarde », confie l’artiste.

L’importance des mots

Étudiant en littérature et amoureux des mots, Alphonse Bisaillon accorde une grande considération à ses textes. Selon lui, ils doivent être surprenants, pour forcer l’auditoire à réfléchir et à ressentir l’émotion plus profondément. Caractérisée par des images fortes, des trames narratives et des jeux de mots, l’écriture de l’auteur se réalise comme un travail d’archéologue : « Ça se fait par tâtonnements, je sais où je veux m’en aller, mais je ne trouve pas tout de suite. Donc je gosse, je gosse, assis tout seul à mon piano », illustre-t-il. C’est le temps et l’émoi qui viennent confirmer l’impact de sa poésie. « Des fois, je creuse et je tombe sur de vieilles bottes, des niaiseries. Puis à un moment, je trouve un os, je me demande si c’est important. Je m’y penche et je réalise que je viens de découvrir quelque chose de significatif », raconte Alphonse. Pour lui, il faut que les mots résonnent longtemps, qu’ils fassent effet à tout coup, qu’ils soient évocateurs.



Complexité musicale

L’album Alphonse Bisaillon ne se rallie pas à un seul style musical. Travaillant à partir de multiples influences, le compositeur explore chaque chanson comme un projet individuel. Loin des tendances minimalistes actuelles, l’œuvre d’Alphonse regroupe souvent plusieurs musiciens et musiciennes à la fois, rappelant les compositions denses des chansonniers français du milieu du siècle dernier. « Je tiens beaucoup d’influences de la chanson française. Par exemple, avec Aznavour, tu comprends tout ce qui est dit grâce à la simplicité des textes, mais les arrangements super complexes en trame de fond viennent embellir la chose. J’ai tendance à faire de même », révèle le jeune québécois. C’est ce qui explique les apparitions de violon et de violoncelle, de chorale, de saxophone ou encore de flûte traversière sur l’album. La cohésion entre les paroles et la musique est primordiale dans la démarche. Leur rôle est de se soutenir mutuellement. On comprend alors que l’éclectisme musical fait écho aux grands questionnements de l’artiste.

Cœur tendre, attitude punk

C’est donc un personnage sensible et réfléchi qui s’est présenté à l’entretien avec Le Culte. Pourtant, sur scène, Alphonse Bisaillon frôle le punk rock. Wall of death, costumes et bouteilles cassées c’est une expérience intense qui attend l’auditoire en salle. « J’ai toujours vénéré les artistes qui sont capables de faire vivre l’unicité », constate le performeur. Pour lui, la surprise sur scène est un outil pour entrer en connivence avec le public : « Un spectacle, ça doit être rempli de choses auxquelles on ne s’attend pas, parce que c’est à ce moment-là qu’on écoute. » Alors, une proximité s’établit entre l’artiste et l’autre, la communication peut avoir lieu, et on devine qu’Alphonse Bisaillon se rapproche un peu plus de l’objet de sa quête artistique.



Crédits photo: Rosalie Roberge



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